(Photo-performance "Egologie" - 2014 - Collège du Montalet - Lacaune (Tarn) ) |
Mon travail se concentre sur l'exploration de mon corps et de mes limites mentales. Principalement à travers l’art performance, la vidéo, l’installation ou l’écriture je construis des formes poétiques ou conceptuelles. Mon handicap est un facteur visible et déterminant dans mes créations. Je l’exploite le plus souvent comme une métaphore pour exprimer " l'impossibilité ". Une question se pose à moi comme un dilemme : comment pourrais-je centrer ma pratique autour d’un médium fondé sur l’action alors que je suis très restreint dans mon autonomie physique ? C’est en ce sens que j’établis dans mon art un dialogue permanent avec la limite et l’impossible dans sa forme la plus concrète : l’incapacité à réaliser un geste de la vie quotidienne. J’opère alors dans mes performances une mécanique folle pour solutionner des choses aprioris impossibles à réaliser pour moi. En détournant l’usage habituel des objets, en fabriquant des extensions à mon corps, grâce au fauteuil électrique ou avec l’aide de mes assistants ; toutes les ruses sont bonnes ! Ces performances ne sont bien évidemment pas une démonstration de gymnastique artistique mais un prétexte pour questionner nos habitudes et donc la norme. L’impossible ici ne finit pas les choses mais il les commence. Il ouvre à la contemplation en suspendant le temps ; il crée une tention dans la pénibilité et l’effort ; il décuple les perspectives par une polysémie visuelle ; il valide la différence en empruntant des chemins inconnus ; il libère en brisant la contrainte.
La
maladie est aussi un aspect intrinsèque à mon travail. Sur ce sujet
je me pose les questions suivantes : qui est malade ?
Qu’est ce que l’on soigne ? Comment guérir ? J’utilise
pour cela mon corps malade comme espace de pensée pour ces
problématiques en les généralisant à nos interconnexions
humaines. Comme dans le chamanisme, il se passe entre le public et le
corps de l’artiste malade un transfert symbolique des blessures et
des marques du passé,
Dans
mes performances sont aussi présents mes assistants de vie. Alors
que la création artistique initie généralement à l’individualité,
je tente par une pratique collective d’émettre une nuance à cela.
C’est le parti pris du performer qui ne dissocie pas la vie de
l’art. Mes assistants de vie me rendent plus autonome au quotidien
et sont aussi un facteur de libération totale de mon imaginaire lors
de la réalisation de mes œuvres. Ils m'aident parfois ou font à ma
place quand je ne peux pas. Dans ce jeu ambivalent et ambigu établi
entre moi et les aidants, je tente de crée un trouble dans la
perception du public. Celui qui pense ne réalise pas forcément
toute l’action. Pour pouvoir manipuler il doit aussi accepter de se
laisser manipuler. La marionnette et le marionnettiste m’évoquent
ici l’histoire de nos organisations sociales.
Malgré
tout -et même si l’art contemporain confine les créateurs dans
une tradition du «mono-concept»-, je ne peux pas définir tout
travail comme une unique exploration des éléments déjà cités car
mon œuvre se nourrit également de la multiplicité de mes états
intérieurs et de la complexité du monde extérieur. Elle est
parfois critique, sociale, psychologique, philosophique, érotique,
purement visuelle ...etc. Comme pour toute dialectique, elle est une
création qui admet sa propre destruction en ne devenant jamais une
affirmation. Une parole éclatée, comme un poème de l’instant
vécu fait du lieu dans lequel je me trouve et de mes tourments
intérieurs. Un silence qui transcende ma culture et mon
conditionnement Algéro-francais pour accéder à ce qui nous
rassemble dans l’universel.
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